Un phare sur route

Introduction

Partout sur la planète, la santé mentale n’a jamais suscité autant de questions. Lors des conférences que j’ai le plaisir de présenter, les gens sont de plus en plus nombreux à exprimer leur recherche de lumière. Ils veulent en savoir davantage, ils désirent surtout dénouer certaines situations qui posent de sérieux problèmes et qui entraînent généralement une souffrance qui peut prendre plusieurs visages. En plus des personnes vivant avec un problème de santé mentale qui désirent améliorer leur qualité de vie et s’accomplir, nos proches et parents souhaitent tout autant sentir cette lumière qui les rendra plus heureux. Qu’à cela ne tienne, les besoins dans nos communautés sont très importants. Nos employeurs vivent toutes sortes de situations pour lesquelles ils ont peu de réponses.Nos milieux de travail soulèvent beaucoup de questions en regard de la santé psychologique des employés. Qui plus est, chacune des personnes œuvrant au sein d’une organisation est d’abord et avant tout un être humain avec une vie affective, une vie familiale et des loisirs. Elle a, dans bien des cas, une vie spirituelle et agit comme proche aidant auprès d’une personne vivant avec un handicap ou une maladie quelconque. Comme ma conjointe et moi, de nombreuses personnes accompagnent leurs parents dans toutes sortes de situations liées au vieillissement.

Et ça ne s’arrête pas là. Dans une région, une communauté ou une localité, d’autres personnes prennent le temps de s’arrêter.Ainsi, des représentants du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) assistaient à l’une de mes dernières conférences, afin d’améliorer l’attitude, les connaissances et la façon d’intervenir des agents en situation de crise. Des employés du ministère de la Défense nationale y étaient aussi, débordés qu’ils étaient par des interventions dans toutes sortes de situations difficiles. Un employeur s’est aussi levé lors de la période de questions pour exprimer son désarroi. Il a été applaudi par d’autres participants heureux de constater qu’un représentant du milieu des affaires avait pris au-delà de deux heures de son temps pour participer à l’événement. Et, à la toute fin de ce propos, une autre personne asoulevé la question de la prévention dans l’enfance et l’adolescence.Elle prétendait que ce qui se vivait pendant ces périodes pouvait jouer un rôle déterminant dans la vie adulte. Qu’en pensez-vous ?

Dans les semaines qui ont suivi, j’ai aussi été invité à prendre la parole lors d’un déjeuner d’affaires avec un groupe d‘employeurs intéressés par le sujet de l’embauche de personnes vivant ou ayantvécu un problème de santé mentale. J’ai d’ailleurs partagé le repas avec un employeur qui avait lui-même vécu un important épisodede dépression. Il savait donc de quoi nous parlions. Tous avaient besoin d’en savoir plus pour comprendre qu’un grand nombre de personnes ayant vécu l’ « expérience » pouvait constituer un actifimportant dans nos organisations. Quand une personne se prenden mains et qu’elle règle ses problèmes, elle devient généralementplus stable en tant qu’employé, sans compter qu’elle a toujours sesforces et ses compétences, et qu’elle est souvent très créative.

Oui, il y a beaucoup à faire pour démystifier, informer, éduquer.Le défi est tout aussi important en regard de la déstigmatisation des problèmes de santé mentale. Il existe depuis peu, au Québec, un cadre de référence provincial touchant la lutte contre la stigmatisation – introduit par l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP). Défaire les mythes et les préjugés, voilà une lourde tâche à laquelle de plus en plus de personnes de tous les milieux liés à la santé mentale tentent des’appliquer. Un pied devant l’autre ! Mon expérience des 10 dernièresannées m’amène à penser qu’il y a suffisamment de gens qui y croient pour que l’on puisse faire avancer la cause, y compris les médias et, surtout, là où l’on forme les futurs intervenants dans nos institutions d’enseignement.

Pour moi, l’espoir est présent chaque jour malgré la souffrance de trop nombreuses personnes. Plus encore, il est permis de croireque, pour une majorité de ces personnes vivant un problème desanté mentale, le rétablissement est possible. Je peux me permettre de penser qu’il est possible de m’épanouir et d’être un citoyen àpart entière, une personne qui prend des décisions dans sa quête du mieux-être. Dans le présent ouvrage, je ferai d’abord un court rappel de mon épisode de trouble bipolaire qui remonte à 1996-1997 et que j’ai décrit dans Le Fragile Équilibre. J’aborderai ensuite cet autre épisode vécu en 2008, un événement totalement inattendu pour Fabienne, ma conjointe, et moi. Elle partagera d’ailleurs avec voussa version de ce moment qui a soulevé un grand questionnement.

Je vous emmènerai aussi brièvement à Moncton, où j’ai vécu ma première psychose, en réempruntant cette route en apparence toute stable que je parcoure depuis ce temps. Vous et moi prendrons le temps, par la suite, d’explorer certains sujets qui me tiennent à cœur en lien avec la santé mentale et le rétablissement.

Rien n’arrive pour rien dans cette vie. Si j’ai parcouru tout ce chemin parfois tortueux, c’est que j’avais certainement beaucoup à apprendre. Aujourd’hui, plus que jamais, j’ose et je m’épanouis...et j’estime avoir toujours à apprendre !