A’yarahskwa’ J’avance mon chemin

PROLOGUE

Chacun de nous est un élément de la Terre Mère mais unifié, en cercle vers l’accomplissement d’un destin honorable.

J’ai un territoire, je l’investis. Je l’occupe non seulement physiquement, mais aussi sur le plan de l’imaginaire. Je l’anime de ma culture. Pour m’épanouir, j’ai besoin de ce territoire particu­lier à raconter. Un territoire dans lequel plonger mes racines. Mes pensées rencontrent celles de mes ancêtres. Je veux simplement que vous voya­giez avec moi. Que l’on sache chacun qui nous sommes pour mieux donner vie et visibilité à nos valeurs, nos cultures. Nous sommes Hommes et Femmes de couleurs, mariés sous l’Arbre de la Grande Paix.

Demain, peut-être, nous écrirons dans un même livre.

Hier, j’ai pris le chemin d’un ancien poste de trappe. Je l’ai trouvé détruit. Plus rien ne laisse croire à la vie qui habitait l’endroit il y a bien longtemps. Sauf peut-être quelques poils d’an-ciennes peaux de castors qui ont fait la richesse des commerçants. Les âmes de Radisson et de Des Groseillers ne hantent plus les lieux. Mon esprit a déjoué le temps. J’ai revitalisé le cœur du camp. J’ai fermé les yeux et j’ai vu dans un rêve éveillé le troc entre Blancs et Indiens. J’ai en­tendu le chant des Sauvages qui approchaient des comptoirs le dos courbé sous la charge des fourrures. J’ai imaginé l’échange du cuir contre le cuivre. J’ai reconnu le sourire mercantile des Français et les yeux rieurs des Hurons. Je me suis raconté l’histoire à l’envers du temps avant de rentrer en ville.

Le temps qui passe se camoufle dans l’espace. Comme la vague qui, derrière mon canot, devient lac, mes secondes résident dans l’éternité. Toi qui lis ce recueil, mets-le à chaque page dans le temps que tu choisis. Toutes les époques sont bonnes, toutes les lignes sont à l’heure indienne. Ce livre n’est pas écrit dans un monde raisonnable afin de te laisser le plaisir de l’affabulation, de l’éva-sion, du a’yarahskwa’, j’avance mon chemin. Donne-toi le droit de mêler les temps. Change ton heure à tous les poèmes.