Aventure d'un soir

Une aventure d’un soir
 
On s’est rencontrés un soir, chez mon amie Jacynthe. C’est elle qui t’a présenté à moi, comme une offrande, avec un regard entendu. Peut-être savait-elle déjà où cette rencontre devait forcément mener. Par son expression, j’ai compris qu’elle avait cru bon de nous présenter en connaissance de cause, après avoir déjà passé une nuit, peut-être même plus, en ton agréable compagnie. Cette constatation m’a gênée, au point où j’ai détourné le regard pour embrasser la salle. À l’autre bout de la grande pièce, Alain, le mari de Jacynthe, jasait avec d’autres invités. Il ne se doutait probablement de rien, ou peut-être même savait-il tout et s’en fichait-il éperdument.
J’ai hésité devant ce premier contact, je ne sais pas pourquoi. Peut-être qu’au début de la quarantaine, alors qu’on porte les cicatrices des brûlures infligées par le brasier de moult relations, on perd l’aisance, en fait le courage, d’en entamer d’autres. En te touchant, j’ai tout de suite senti une chaleur, une légère brûlure. J’avoue que ton allure physique ne m’avait guère impressionnée. Mais il est bien vrai qu’il ne faut pas juger de l’arbre par l’écorce.
Au long de la soirée, on a beaucoup parlé de toi, de ton succès, de l’admiration sans bornes que le public te vouait. Nous sommes partis un peu tôt. Destination : mon appartement. Chez moi, j’ai préparé une tisane que j’ai bue assise dans le salon à te dévisager, en silence. Finalement, d’un commun accord, nous nous sommes rendus à la chambre à coucher. Pendant un long moment je t’ai contemplé reposant au milieu de mon grand lit qui, tout à coup, t’a fait paraître si petit.
Je suis allée à la salle de bains et, en exécutant mon train-train habituel, je me suis rendu compte que mes mains tremblaient légèrement, qu’un sentiment d’anticipation attisait mon désir, que je ne pensais plus qu’à toi qui m’attendais patiemment sur le lit. Cela faisait si longtemps que je n’avais éprouvé une telle fougue, que je me suis mise à appréhender le pire. Le matin venu, comment me sentirais-je ? Exaltée ou brûlée encore une fois ?
Juste avant de quitter la salle de bains, voilà que le doute s’est emparé de moi. Est-ce que je m’attendais à trop de ta part ? Serais-tu capable de combler mon besoin d’ivresse, de folie même ? Mon désir m’avait-il monté un château d’attentes irréalistes, irréalisables ? Pourtant je sentais que cette rencontre, cette liaison que je me préparais à entamer, recelait un potentiel énorme.
Ainsi, malgré moi, je t’ai de nouveau approché d’un pas hésitant, trahissant une certaine pudeur. Me débarrassant d’abord de mon soutien-gorge et ensuite de ma petite culotte, je me suis glissée dans le grand lit avec toi. Après une hésitation d’encore une seconde, mes doigts ont longé ton dos lisse et jeune. Me rapprochant, j’ai commencé à te flatter. Mes yeux t’ont dévoré, lisant dans chacun de tes signes une volupté, une douce sensualité que ma cervelle décortiquait à peine avant qu’elle ne gagne tout mon corps.
Je t’ai tâté, effleuré, palpé. Après un premier long spasme de plaisir, je t’ai empoigné de nouveau. Reprenant ce doux manège, j’ai perdu conscience du temps, de moi-même. À un moment donné, j’ai eu l’impression de gémir à haute voix, plus tard à l’intérieur seulement.
Toute la nuit je t’ai caressé, en humant le parfum délectable de ta jeunesse.
Au bout d’un certain temps, j’ai constaté que ce plaisir, mêlé à l’effroi de ne plus me sentir tout à fait maîtresse de la situation, allait continuer encore longtemps, sans doute jusqu’à ce que nous eussions fini de nous consommer mutuellement. D’habitude, je ne m’abandonne pas si facilement. Cependant, en te sentant te livrer si pleinement à moi, ma propre résistance s’est écroulée...
Il faisait jour quand ton corps s’est dérobé à l’étreinte de mes mains. Heureusement que nous étions dimanche, car je n’aurais pas eu la force de me lever pour aller au travail. Je me sentais assouvie, à la fois vidée et comblée. J’ai contemplé ta forme allongée à côté de moi. Bien que tu n’eusses pas changé d’aspect, tu ne me paraissais plus si petit car, maintenant que je te connaissais intimement, je te savais source d’immenses merveilles et de plaisir sans limites.
J’ai émis un long bâillement en éteignant la lampe de chevet qui avait éclairé nos ébats la nuit durant. En fermant les yeux, j’ai eu une pensée pour quelques-unes de mes copines, certaines seules, d’autres en couple, avec lesquelles j’avais le goût de te partager. Elles seraient tout aussi séduites que moi.
Plus tard, je téléphonerai à Jacynthe pour la remercier de t’avoir mis sur ma route.