Confessions animales

Je suis le pic

Cette note est de l’auteur. Nous pourrions l’intituler Avertissement. Car avant d’entreprendre la lecture de ces Confessions animales, il est bon d’être averti.

Je ne suis pas un animal sauvage d’Amérique septentrionale, mais il se pourrait bien que je le sois. Je pourrais être un pic ; comme le pic, je me casse la tête sur une matière dure, aussi résistante que nourrissante. Je pense au pic et à la pelle. Je cogne du bois, je frappe de la pierre, je rebondis contre des murs : qu’est-ce qu’être?

Je pourrais également être un arbre, cet arbre-là, cet orme centenaire. Et me voilà dans ses racines, dans son écorce et dans son cœur. Je suis le témoin de son âme, puisque les arbres ont une âme. Naturellement je suis cet oiseau, cette mésange, cette hirondelle. J’imagine d’où elle vient, où elle niche, ce qu’elle croit, ce qu’elle transporte de mémoire. Je suis ce caillou, ce bloc erratique. Je suis les yeux du rocher, recherchant les images imprimées depuis cent millions d’années.

Quand je saurai ce qu’est être grenouille, gravier, pneu, flocon de neige, poteau, souris des bois, alors je saurai ce qu’est être un homme. Détour naïf, quête sauvage, voilà bien ma gageure. J’ai toujours pensé que le pic cherchait quelque chose quand il se fend la tête à faire des trous dans le mystère des troncs.

Vivre, c’est toucher du bois...

Voilà les Confessions animales des animaux que j’ai tant aimés. Des brins et des débris, des copeaux, de la poussière d’arbre mort, les retombées de mon bec obstiné, simple fait de ma tête dure qui frappe et se frappe contre le mur de la beauté inexpliquée parce que inexplicable.