Il pleut à la maison

Pourquoi ai-je écrit ce livre ? Une réponse facile et rapide serait de dire que je suis pédopsychiatre, que je rencontre au quotidien des parents malades, des enfants souffrants. Bref, que c’est mon domaine.

Mais, par ce livre, je souhaite aider les parents à se délivrer des secrets et des mensonges qui les enferment, à oser nommer leurs souffrances, à relever la tête et à éviter la honte.

Alors, voilà : la souffrance psychique et la dépression sévère, je les ai vécues aussi.

Ce livre est d’ailleurs une forme de thérapie et une manière de présenter mes excuses à mon conjoint, à mes enfants. Thérapie pour sortir de la culpabilité liée à la maladie, excuses pour n’avoir pas pensé et écrit ce livre plus tôt, pour vous, mes enfants.

J’étais une femme dans la trentaine, médecin engagée, travaillant dans une clinique en France, vivant à cent à l’heure son métier auprès d’enfants et d’adolescents, maman de jumeaux, épouse.

Mais, du jour au lendemain, tout m’a échappé. Comme si avancer ne m’était plus possible, plus concevable, comme si tout me glissait entre les doigts telle une poignée de sable.

 Il me semblait que, soudain, je ne pouvais plus rien contrôler, le grand « truc » que je savais si bien faire. Le clown joyeux tirait sa révérence et le clown triste prenait toute la scène d’assaut. Ce salaud.

J’ai tenté de changer de cirque, d’imprésario, de trouver d’autres numéros d’acrobates, d’autres blagues et d’autres lapins à sortir de mon chapeau.

Tout était désespérément vide et triste, la lumière avait abandonné le chapiteau.

Je me revois, penchée sur la boîte aux lettres pour récupérer le courrier, à me dire que peut-être il vaudrait mieux que mes enfants ne m’aient plus comme maman, que je ne convenais plus, à personne, pas même à moi. Que, si je partais au bout du monde, maintenant, alors qu’ils n’avaient que trois ans et demi, ils ne se souviendraient plus qu’ils m’avaient connue. Pas d’idées suicidaires, non, jamais, mais le sentiment de ne plus être à la hauteur de quoi que ce soit et, surtout, de ma famille.

OK, il était temps de consulter.

Le médecin a pudiquement mis un nom sur ma condition : épuisement professionnel, le fameux burnout. Une dépression pour moi, dont c’est le métier de la traiter !

Nous avons décidé (juste en improvisant) de dire aux enfants que maman était très fatiguée, que c’était pour cela qu’elle avait besoin de beaucoup se reposer et qu’elle n’irait pas au travail pendant quelques jours.

Moi, je ne me sentais pas capable d’expliquer quoi que ce soit. Et puis, expliquer quoi, d’ailleurs ? Que je me découvrais faillible et nulle, et qu’ils n’avaient pas de chance d’avoir une maman comme ça ?