L'étreinte des vents

Une île, à la fin d’une route, au bout d’un continent. Je suis venue ici pour écrire sur les liens, écrire sur les ruptures, comme si, faisant bouger les lettres, je trouvais dans l’île l’image même de ce que nous sommes, des êtres de liens, tantôt lieurs et tantôt liés, toujours liables. Nous avons la faculté de tendre tout notre être – comme un arc – vers un autre être pour le rejoindre, de déployer ce que nous sommes – comme une voile – pour l’accueillir. Nous portons en nous la capacité de nouer des liens, de créer des correspondances et, par là, nous avons aussi la possibilité de les rompre.

En survolant l’île, à bord de l’avion qui m’ame-nait jusqu’ici, je regardais le bleu qui l’entoure. Loin d’être uniforme, la couleur pâlit puis s’intensifie, passe au turquoise et trouve alors des nuances insoupçonnées, s’éclaircit peu à peu pour aussitôt retourner à la profondeur qui appelle la nuit. Vus d’en haut, les bleus paraissent danser ensemble, passer d’une tonalité à une autre de façon fluide, toute natu-relle. On devine tantôt le rouge tantôt le jaune que boit ce bleu rendu visible par sa capacité d’absorber toutes les couleurs sauf la sienne. Les bateaux les traversent ; pour un peu, on ne saurait s’ils naviguent au bout du ciel ou à la surface de la mer tant cette masse bleue confond le regard. Soudain un nuage d’un blanc parfait abîme l’horizon, il avale avec lui la sensation de paix, de tranquille avancée vers nulle part à laquelle nous ne demandions qu’à nous abandonner.