La vie littéraire

La grande collisionneuse de hadrons. Il y avait eu un temps longtemps avant où les semaines duraient des mois et où on pouvait lire des œuvres complètes de tout ce qu’on voulait où je voulais tellement être la reine de la création littéraire des dédicaces aux salons du livre parler de mon roman à radio-canada attendre les critiques dans les journaux demeurer discrète mais flamboyante à mon lancement au lion d’or avec des médias quelconques critiques quelconques amis quelconques dans un temps quelconque qui n’existe qu’en amertume on ne vend plus de livres on n’a plus le temps de les lire on ne sait plus quoi se raconter je tape ma vie dans une coquille de noix les visages s’estompent parce que l’expansion de l’univers amplifie le vide entre les gens et les heures deviennent des jours passés à lire des articles sur wikipédia comme si on cherchait l’image de quelque chose qu’on avait perdu ou qu’on n’avait jamais eu genre une particule spéciale un boson de jauge un champ scalaire qui permettrait de ralentir ce flot d’images qui me traversent à la vitesse de la lumière se rentrent dedans et ne laissent que les particules élémentaires de la culture et de moi-même et de retranscrire les miettes de ce qui restait de moi à quelques milliardièmes de seconde de mon identité de fille dans la vingtaine dense et chaude qui voulait devenir écrivaine québécoise avant que l’univers n’entre en expansion et ne nous laisse seuls avec nous-mêmes au milieu des librairies qui ferment des journaux en faillite et de tous ces fantômes qui n’ont plus le temps de lire ou de rien faire sinon d’attendre que se refroidisse définitivement l’univers littéraire.