Le lustre des cerises

Vous ne m’accompagnez pas à l’aéroport. L’aîné est sorti avec des amis. Tu es au parc, avec le cadet. Moins difficile de dire au revoir.

fermer la porte

le silence

en écho

Tu m’as encouragée à aller rejoindre Sandrine, mon amie belge, en Colombie-Britannique. Une province que tu connais bien, parce que toi, ado-lescent, tes ailes n’étaient pas rognées. Personne ne te ramenait à la maison quand, enfant, tu quittais la cour pour explorer le quartier.

Je m’installerai dans la vallée de l’Okanagan, en résidence d’écriture.

À la fin du séjour, le soixante-dixième anniver-saire de mon père le mènera à moi, avec ma sœur et mon frère. Ils resteront quatre nuits. Ce sera notre deuxième voyage ensemble, depuis la mort de ma mère.

J’aurai deux semaines pour apprivoiser l’absence.

Il est dix-neuf heures quinze, heure de l’Est. Pendant que l’hôtesse de l’air danse la chorégra-phie des consignes de sécurité, je regarde par le hublot.

larmes

le tarmac inondé

de soleil

Il est vingt heures. L’avion survole l’Ontario. Les nuages, comme une gaze, au-dessus des lacs et des rivières. Tout en bas, les arbres font à la Terre une tête de brocoli. Les minces routes grises sont des S et des Y.

Le soleil donne à l’eau des reflets de mercure, dessine d’or le pourtour des nuages de plus en plus chiffonnés. L’appareil penche légèrement sur la droite. Le livre que j’ai sur les genoux glisse au sol. Mon attention est toute dirigée vers dehors. Les cumulus sont des bouquets de lilas.

Il est vingt-deux heures à Montréal. L’avion poursuit sa course dans la lumière.

Le cadet doit être couché, l’aîné pas encore rentré. Tu termines peut-être ton verre de vin, devant la télé. Je me loverais bien contre toi. Le siège de l’avion est si inconfortable. J’ai les jambes ankylosées.