Le Monde sur le flanc de la truite

J’ai entendu pleurer le mainate. J’ai aperçu les petits lacs noirs de neige fondue, dans les champs. «Tout se tient non parla violence mais par le nombre, le poids et la mesure», écrit F.-A. Savard. Les branches, dures et sèches encore, claquent comme les cordes à hisser le drapeau, contre son mât. Le merle traverse ce grand vide d’avril avec son cri vigoureux, prometteur, plein d’une espérance qui fera venir les chaleurs. Les bourgeons des érables sont comme des tisons au bout des branches, des petits morceaux de feu qu’on dirait frais sortis d’un brasier. J’écris pour VOIR, c’est bien sûr. Pour chasser les mauvais mystères de la nuit, pour faire un printemps du matin. J’écris pour naître, encore, toujours. Par l’attention neuve, m’absenter de moi, de ce fouillis de tentatives d’être dans un absolu qui vous émiette et vous éparpille comme le vent, ce matin, fait avec les vieilles feuilles, les vieilles tiges de l’an passé. Oui, ce désir de tout être et de tout avoir, l’ancienne maladie qui revient encore, de temps en temps, m’empoisonner,comme une odeur de marmotte pourrie parmi les bonnes senteurs de sèves et de la terre délivrée des neiges.

J’écris pour cesser de savoir et pour commencer d’apercevoir et de sentir. Dans le Y du bouleau, un nid est commencé.Sur la mousse, sous le sumac, les ombres des mûriers, compliquées comme des chevelures, s’emmêlent et se balancent.