Les Chroniques d’une mère indigne

Introduction

Seuls les indignes survivront

Changer des couches sales quinze fois par jour encourage- t-il les pensées impures? Oh, que oui. Après sept mois de congé de maternité, j’ai soudainement dû me rendre à l’évidence : j’étais devenue, petit à petit, une mère indigne.

Avant d’accepter ce statut, j’ai psychologiquement beaucoup souffert. En effet, j’avais, pendant des années, courageusement tenté d’être une mère parfaite avec Fille Aînée, en suivant tant bien que mal tous les conseils bien intentionnés des livres sérieux sur la maternité. Mais la venue de Bébé numéro 2 m’a obligée à constater que les parents qui respectent à la lettre les édits de ces manuels se vouent à un burn-out à brève échéance. J’ai aussi senti, avec une grande consternation, que, si nous ne respections pas, par choix ou par erreur, les sacro-saints préceptes du parent parfait, nous nous condamnions à la culture du secret envers le pédiatre ainsi qu’à un sentiment de culpabilité débilitant. C’est pourquoi j’ai choisi, par solidarité avec mes collègues-parents souffrants, de mettre par écrit et d’étaler publiquement le côté obscur de la maternité.

Ne nous racontons pas d’histoires: rien n’est plus angois- sant que d’élever des enfants. Nos bambins auront beau être les plus gentils et les mieux élevés de la terre, avoir des enfants est une entreprise beaucoup trop périlleuse pour que nous puissions nous permettre de ne pas nous inquiéter et veiller au grain, à chaque moment et tous les jours, et ce, à partir de leur conception. Des tracasseries de base («Horreur! Elle n’a pas bu tout son lait! Soulagement! Elle a mangé beaucoup de céréales!») aux paniques à venir («Horreur! Un condom! Soulagement! Il est encore emballé!»), rien ne sert d’enfouir notre tête dans les couches: nous sommes à leur merci. Bref, l’équation est simple : si nous ne voulons pas exploser d’inquiétude, il nous faut un exutoire. L’indignité, pour les parents, est cette merveilleuse soupape qui nous permet de continuer à dire oui à la vie.

À partir d’aujourd’hui, osons donc le clamer haut et fort: il faut rire de nos enfants ! Nous leur donnons tout, nous trem- blons chaque jour pour eux, nous explosons de fierté devant leurs exploits, nous les nourrissons, les logeons, les lavons, les écoutons, leur achetons des jouets stupides juste pour le plaisir de voir leur visage s’illuminer pendant un quart de seconde, bref, nous les aimons plus que nous-mêmes, alors on peut quand même se permettre de les trouver ridicules avec leur sale manie de regarder Caillou ou de collectionner des cartes Pokémon, non ?

Les chroniques rassemblées dans ce livre se divisent en deux catégories. Premièrement, il y a les situations dans lesquelles nous pouvons rire de nos enfants en général. Et, deuxièmement, il y a les situations lors desquelles j’ai moi- même ri de mes enfants en particulier. Oui, du vécu! Des trippes! De la réalité authentique! Que voulez-vous, ça vend de la copie et l’éditeur m’y a forcée.

Ah, j’allais oublier : je ris aussi beaucoup des papas dans ce livre, mais, chut !, ne leur en parlez pas. De la testostérone, c’est très sensible, ça pourrait se mettre à pleurer pour un rien et on en a bien assez à gérer avec nos tout-petits.

Quoi qu’il en soit, chers parents, j’espère que la lecture de cet ouvrage vous encouragera à développer votre indignité. C’est à cette seule condition que vous survivrez. En plus de vous simplifier la vie, c’est très facile d’entretien, ça ne rétrécit pas au lavage et tous vos voisins en voudront une semblable.

Enfin, ça, c’est moi qui le dis.