Les retranchées

Introduction

Pour l’inconfort

« je m’en fous, maintenant. Je n’y crois plus, à l’idéal, m’écrit Madeleine. Je continue de faire de mon mieux, mais pas vers un idéal. » L’automne dernier, j’ai demandé à certaines de celles que j’avais interrogées lors de l’écriture des Tranchées en 2013 de me donner des nouvelles, histoire de mesurer le chemin parcouru et de tenter, à travers leurs récits, de faire sens de l’époque. Que savaient-elles aujourd’hui qu’elles ignoraient alors? Leur vision de la famille avait-elle évolué? Tant de choses peuvent changer en quelques années.

Il y a six ans, Stephen Harper dirigeait le Canada, Barack Obama, les États-Unis, et Pauline Marois était à la tête du gou- vernement québécois. Black Lives Matter naissait. L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées n’était pas envisagée par le fédéral. Le mouvement #MoiAussi était loin devant. On parlait encore peu des notions de privilège, d’appropriation culturelle et d’hétérocentrisme, peut- être parce qu’on pensait avoir réglé ces questions: nous étions une société ouverte, et l’égalité était pratiquement atteinte. Bon, le parti au pouvoir dans notre province tentait de convaincre la population qu’il fallait nous prévaloir d’une charte des valeurs québécoises pour nous assurer que notre belle « ouverture » serait codifiée de manière à mettre les Blancs francophones pseudo- laïcisés au sommet de la pyramide, mais c’était un détail, n’est-ce pas ?