NoirEs sous surveillance. Esclavage, répression et violence d'État au Canada

Les noir.e.s et la violence d'état

Que ce soit avec le gouvernement, le système judiciaire ou éducatif, l’assistance et les services sociaux ou toute autre institution à contrôle ou à prédominance étatique, les relations entre les Afro-Canadien.ne.s et l’État ont toujours été placées sous le signe de la subordination sociale.

Ce livre a germé en moi pendant des années. Professionnellement ou à titre bénévole, je me consacre depuis dix ans à la sensibilisa-tion, à la défense des droits et à la mobilisation des personnes marginalisées ou criminalisées. Côte à côte avec des jeunes racisés placés dans les structures de la protection de la jeunesse ou travail-lant dans la rue, et avec des adultes travailleurs ou travailleuses du sexe, j’ai été constamment témoin des injustices économiques et raciales criantes qui dessinent les douloureuses lignes de fracture de la société canadienne. Si je n’ai pas travaillé uniquement avec des Noir.e.s, j’ai souvent constaté qu’ils et elles subissaient de manière absolument disproportionnée ce qu’il faut bien appeler la négli-gence concertée et la violence exercée ou cautionnée par l’État.

Un adolescent noir m’expliquait qu’un policier le suivait et le harcelait régulièrement quand il retournait chez lui après l’école. L’agent l’apostrophait par son nom, le fouillait (sans jamais trouver la drogue qu’il cherchait sur lui avec tant de ténacité), l’intimidait, l’humiliait. L’adolescent supportait ce harcèlement sans rien dire parce qu’il ne voulait pas décevoir ses parents. Une femme trans-genre noire dans la cinquantaine ou la soixantaine ayant fui la violence de son pays d’origine et n’étant pas de citoyenneté cana-dienne était devenue travailleuse du sexe pour subvenir aux besoins de plusieurs membres de sa famille. Les policiers la harcelaient sou-vent, la menaçaient même parfois, la traitaient de «négresse» et de «travelo» pendant son travail. Pour leur échapper, parce qu’elle craignait d’être arrêtée, expulsée du pays et séparée de sa famille, cette femme a fui les bars que fréquentaient ses clients, ses amis et sa communauté. Elle s’est mise à travailler dans des rues et ruelles isolées, mettant son intégrité physique et sa vie en danger afin d’éviter l’arrestation. J’ai maintes fois aussi observé l’hostilité et la suspicion avec lesquelles les travailleuses et travailleurs sociaux traitent les femmes noires, les souffrances profondes infligées aux jeunes et à leurs familles quand la Protection de la jeunesse retire un enfant de son milieu, la honte que des enseignants font ressentir à de nombreux jeunes Noir.e.s pour la seule raison qu’ils sont noirs.