Non je ne mourrai pas

PROLOGUE
 Il n’y a pas si longtemps, j’ai voulu plonger en écriture dans l’un des sujets les plus difficiles de ma vie, et pas seulement de ma vie de poète, mais de ma vie tout court : la mort. La mort, cette fin annoncée, avec toute l’angoisse qu’elle comporte, c’est-à-dire un possible néant auquel sont conviés les êtres qui ont un jour été vivants, à moins qu’un au-delà de grâce et de divinité existe par-delà l’inexorable fatalité qui nous attend tous. Ce sujet m’a bien sûr donné du fil à retordre. En m’y glissant, j’ai voulu réfléchir sur les différences essentielles qui me semblent exister entre les mots « vide » et « néant », ce que m’a appris la lecture du Tao-Tö-King de Lao-Tseu. Pour sauver ma vie, et j’utilise cette métaphore consciemment, j’ai choisi de créer un personnage qui parle tout seul, égaré dans la toundra, en plein hiver, au Nunavik, grièvement blessé après un accident de motoneige, et qui se bat, en rageant et en priant, pour survivre.
 Le Nord et le Grand Nord sont les lieux où, pendant toute ma vie, mon âme a volé, c’est ce que j’ai souvent ressenti. C’est là que j’ai été heureux, plus qu’ailleurs, grâce aux espaces gigantesques de la toundra, grâce à la faune et à la flore aussi, mais bien sûr grâce à tous les Nordistes, Canayens, Innus, Cris et Inuits qui aiment habiter la nordicité et y vivre. C’est en situant l’action de mon texte en pleine toundra d’hiver que je suis parvenu à avancer en écriture, jusqu’à ce qu’un titre devienne plus impératif que les autres : Non je ne mourrai pas. Curieusement, c’est sous forme de poèmes qui le travail a évolué à partir du thème qui me préoccupait. Le texte est donc devenu un long poème. C’est en particulier la rythmicité poétique qui m’a permis de me rendre jusqu’au bout de cette aventure qui, je dois le répéter, a été souffrante. De tout cœur, j’espère que quelques lecteurs et lectrices accepteront de me suivre dans ce « conte-poème » qui touche au froid mortel, aux délires, à l’angoisse existentielle mais aussi, à la joie pure.

*

J’ai osé penser un jour
 Que cette vie n’avait pas de sens
 Alors qu’en cette seconde précise
 Tout devient signifiant
 Grâce à un ruisseau qui me conduit
 Droit vers ma délivrance
 Malgré ses ropaks innombrables
 Qui craquent et se fendillent
 Produisant sans le savoir
 Des sons proches de l’enfance


 La rivière me parle je discute
 Le ciel se meut dans les virages
 Les stratus à trois cents mètres
 Acceptent de me regarder
 Tous ensemble nous dérivons
 Je survis je survivrai
 Je sens l’océan s’approcher
 Quand donc entendrai-je
 La parole d’un être humain
 Quand donc observerai-je
 Le premier geste allumant un fanal
 Quand donc une famille du Nord