Roux clair naturel

Dans le ventre des mères, tous les enfants ont le crâne nu, ce sont des boules de gélatine similaires. Dans le ventre des mères, ils sont tous égaux, jusqu’à ce que leurs cheveux poussent et les séparent. 

Je nais rousse.
Ma tête blonde jette des éclats fauves, hésitant entre le cuivre et l’or, un mirage qui mystifie la parenté. On veut les toucher, les palper, voir s’ils sont chauds, soyeux, réels. On les photographie, les dessine au pastel.
Ma mère s’évertue à faire taire ceux qui m’appellent rouquine. Pour elle, je suis strictement blonde. Même si on insiste, même si on lui dit que mes cheveux sont d’un beau blond vénitien. Ma mère n’aime que les choses précises.
— Il y a le mot blond dans blond vénitien. Sinon, on dirait roux vénitien.
Déjà, elle devine qu’il est hasardeux d’étirer les contours de la réalité avec moi. Qu’il faudra de préférence s’en tenir au plus simple, éviter toute exagération. Qu’il faudra toujours employer les mots justes, ne pas abuser de comparaisons et d’analogies.
Jamais je ne serai trop regardée.
Chaque regard qui se pose sur moi me fait exister davantage.