Auassat. À la recherche des enfants disparus

EN GUISE DE PRÉFACE

«Quand je raconte les histoires horribles 
de nos vies, on me répond toujours 
que ce n’est pas croyable.»
RICHARD EJINAGOSI KISTABISH

Au début des années 1970, le surintendant des Affaires indiennes du bureau de Val-d’Or, monsieur Claude Paradis, me téléphona et m’offrit une «job». «Veux-tu venir travailler avec nous autres?» Il me donna un poste au classement. C’est là que je pris goût à lire les documents, surtout les vieux documents. Ils me parlaient des Indiens d’Abitibi, j’y suivais les déplacements de ma famille sur son territoire de trappe.
Ensuite, j’ai eu un nouvel emploi: agent de liaison pour l’éducation. Mon travail consistait à faire remplir des formulaires par les parents pour que leurs enfants puissent être envoyés au pensionnat, puis je devais faire le suivi de leur cheminement scolaire en informant les parents.
En 1971, je me suis donc rendu au Grand-Lac Victoria (Kitcisakik). Je rencontre le chef Moïse Sam, qui m’invite dans sa tente pour prendre un thé. Il me demande ce que je suis venu faire. Je réponds: «Remplir les formulaires (numéro IA 352).»
Il me demande alors de lui traduire ce formulaire. C’est une feuille 8 ½ par 14. Alors, je traduis tout ce qui est écrit, sur les deux côtés! Il y a un carré au verso pour la signature des parents. Dans cet espace, il est écrit en tous petits, très petits caractères:
«Je, NOM DU PARENT, donne la permission et l’autorisation au représentant de la Reine de prendre toutes les décisions concernant le bien-être de mon enfant, en éducation, en santé et toute autre question le concernant.»
C’est une formule de consentement d’abandon d’autorité parentale.
Quelle a été notre surprise en entendant cela! Nous nous sommes regardés, stupéfaits et silencieux. Un long silence… Incrédule et effrayé!